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SOUVENIRS

Ayant obtenu la survivance de M. le Duc de Penthièvre en qualité de Grand-Amiral de France, il avait cru pouvoir figurer dans ce combat naval. Il y commandait l’escadre bleue ; il y feignit de ne pas voir ou comprendre les signaux, pour ne pas exposer le vaisseau qui portait sa précieuse personne, et M. de Lamothe-Piquet, son capitaine de Pavillon, fut tellement indigné de sa lâcheté qu’il alla déposer deux pistolets chargés sur la table de sa cabine, en lui disant : — Monseigneur, après une pareille conduite, il ne vous reste plus qu’à vous brûler la cervelle[1]. Le Duc de Chartres avait osé dire qu’il n’avait nulle envie et nul besoin de prendre fait et cause

  1. « La guerre de la France et de l’Angleterre le montra (le duc d’Orléans-Égalité) pour la première fois mêlée aux événemens de la politique ; mais ce ne fut pas pour lui une occasion de gloire. Au combat d’Ouessant, il ne fut qu’un spectateur inutile : il montait le vaisseau le Saint-Esprit. Le péril était extrême ; ce fut le Comte de La Touche, commandant, qui vint au secours du vaisseau. On raconte que le Duc d’Orléans s’était caché à fond de cale. La conduite du Duc d’Orléans, pendant le combat, fut un objet continuel de railleries. On fit paraître un portrait où ce Prince était représenté en costume de marin, et au bas duquel on lisait ce verset du psalmiste : Mare vidit et fugit ! il a vu la mer et il s’est sauvé. »

    « … Et cependant il avait la manie du courage ; c’était un indice qu’il n’en avait point la réalité. Il voulut s’élever dans un des premiers aérostats qui fut lancé à Saint-Cloud. Tout Paris était accouru. Quand le ballon parut vouloir s’élever aux nues, le Duc de Chartres eut peur ; il fallut descendre, et les Parisiens, frustrés d’une fête, se vengèrent par des quolibets. » (M. Laurentie, Hist. des Ducs d’Orléans, t. 4, p. 20.)

    (Note de l’Éditeur.)