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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

maison, qui étaient MM. de Mirabeau, de Mairan, Falconnet, de Bachaumont, Trublet et Trudaine. Mais ce qui ne manquait pas d’arriver souvent, c’était que ces Messieurs manquaient de prudence, et que leurs valets recopiaient ces bulletins, dont ils se faisaient un gros bénéfice en les distribuant aux Ambassadeurs, aux étrangers de marque, et même à des financiers, se disait-il. Il en résultait des tracasseries insupportables : on chassait des laquais, on cherchait à s’expliquer ; et tout ceci finissait par une visite où l’on se disait les plus aimables choses en ayant soin de ne se parler de rien. Ce qu’il y avait d’ennuyeux, c’est que c’était toujours à recommencer.

En 1757, on m’avait attribué (dans les Nouvelles à la main, s’entend) une épigramme contre le Maréchal de Soubise, que je ne voudrais pas copier et que je n’avais assurément pas faite. Ceci devint une grande affaire, et le Lieutenant de Police avait envoyé parler à Mme Doublet. Le Bailly de Froulay fut le prier de vouloir bien se tenir tranquille, attendu qu’il y avait en nous-mêmes assez d’autorité pour ne pas avoir besoin de la sienne. Il se trouva que l’épigramme en question n’était jamais sortie de chez la Présidente, et que c’était M. de Mirabeau qui l’avait fait ajouter sur l’exemplaire de son bulletin, qu’il avait envoyé courir le pays. Comme on avait décidé que je le recevrais lorsqu’il viendrait m’en faire excuse[1], il eut la gaucherie d’entamer

  1. L’inscription de son nom sur la liste du suisse n’aurait pas été suffisante, et l’on devait retourner chez la personne offensée.