son abrégé chronologique. Il y mettait son âme et sa vie ; il y trouvait sa gloire et sa joie. La Gazette de France en parlait avec éloge ; on en parlait dans l’Année littéraire : il en a passé soixante et six années de sa vie dans un parfait bonheur.
Il avait fait un bel héritage à la mort du Président de Montesquieu, à raison de ce que, dans la société de la Duchesse d’Anville, on appelait celui-ci Le Président, tout court et par excellence, ce qui ne laissait pas de mécontenter le Président Hénault. Mais, aussitôt que le Président de l’Esprit des lois fut passé dans la région des esprits, le Président chronologique recueillit la succession du Président législatif. Le Président Molé de Champlâtreux en desséchait d’envie ; mais l’hôtel de la Rochefoucauld tint ferme ; et, lorsque la Présidente Meynière y parlait tendrement du Président, il était bien entendu qu’elle ne parlait pas de son mari.
Sept à huit jours avant sa mort, on nous raconta que Mme du Deffand (son amie de jeunesse) était allée s’asseoir auprès de son lit en lui demandant s’il ne la reconnaissait plus. — En aucune façon, répondit-il ; et tout ce que j’y vois, c’est que vous me faites souvenir d’une méchante aveugle… Mme du Deffand s’empressa de l’interrompre et se mit à lui parler (pour le dérouter) de la Baronne de Castelmoron, qu’il avait beaucoup aimée. — Ah ! quelle différence, se prit-il à dire, entre la chère Baronne et cette vilaine égoïste du Deffand ! Elle était belle, elle était bonne, celle-là ; elle était fraîche et franche, elle avait des dents superbes et n’avait pas la peau comme du chagrain… Jamais