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SOUVENIRS

et la qualité de Prince ne lui paraissait rien de plus.

« Elle aurait voulu rester auprès du corps de sa mère, mais je la fis conduire par cette bonne vieille au presbytère de Rouvres aussitôt que le Curé fut parti ; car il avait été mandé pour un autre malade à l’autre bout de cette paroisse. Ce ne fut pas sans difficulté qu’on put la faire sortir de cette chaumière, où son berceau se trouvait encore auprès du lit de la veuve. (Imaginez que c’était précisément dans ce berceau qu’elle avait pris l’habitude d’entasser et d’arranger tous les petits présens que je lui faisais. Pardonnez-moi la puérilité de cette observation ; vous savez combien les moindres détails deviennent précieux, quand ils se rapportent à ceux qu’on aime parfaitement).

« J’avais dit que je le voulais avec une gravité si ferme, que la vieille femme avait pris le parti de m’obéir, et que la jeune fille en était restée saisie. C’est qu’il était survenu dans mon âme une révolution complète ; je me trouvais chargé de Geneviève, j’étais devenu subitement un homme, un être puissant par la volonté, et je vous puis assurer qu’à partir de ce moment-là, je n’ai pas eu, depuis l’âge de quatorze ans, une seule pensée d’enfance.

« Lorsque je me trouvai seul et face à face avec le corps de Suzanne, il me fut d’abord impossible de prier ; il me semblait que j’avais à remplir, avant toute chose, une autre sorte d’obligation plus urgente et plus obligatoire. — Oh !