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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

à qui j’eusse trouvé l’air habitable, je demandai au concierge s’il ne voudrait pas m’y faire du feu avant de m’y dresser un lit et de m’y donner à souper. — Quant au souper, je le veux bien, mon cher pèlerin, répondit-il, mais je vous conseille de venir coucher dans ma chambre.

« Je voulus savoir le motif de cette précaution. — J’ai mes raisons, poursuivit-il, et je vais toujours vous aller faire un lit auprès du mien. J’acceptai la proposition d’autant plus volontiers que nous étions au vendredi et que je craignais le retour de ma vision.

« Le concierge de Têtefoulques alla s’occuper de mon souper, et je commençai par examiner les armures et les portraits des Foulquerre. À mesure que le jour baissait, les draperies enfumées se confondaient avec le fond des tableaux, et le feu de la cheminée ne me laissait voir que des visages, ce qui avait quelque chose d’effrayant… Peut-être cela me parut ainsi, parce que l’état de ma conscience m’entretenait dans un trouble continuel.

« Enfin le concierge apporta mon souper, qui consistait dans un plat de truites, avec quelques écrevisses qu’il avait fait pêcher dans les fossés du château. Il me fournit en outre une bouteille de vin potable et assez passable, quoiqu’il me dit que c’était du vin de Poitou. J’aurais voulu que l’ermite se mît à table avec moi ; mais il ne vivait que de racines et d’herbes cuites à l’eau.

« J’ai toujours été exact à réciter mon bréviaire, ce qui est toujours d’usage ainsi que d’obligation