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SOUVENIRS

dans la Strada-Stretta étaient donc très déplacées. Elles eurent le mauvais effet de rendre les Chevaliers français très susceptibles et très offensifs. Ils y étaient déjà naturellement disposés ; et comme cet esprit de dispute allait toujours en augmentant, les Chevaliers espagnols redoublèrent de réserve et de gravité. Enfin ils se rassemblèrent chez moi pour nous y consulter sur les moyens d’arrêter des éclats de pétulance et des écarts de légèreté qui devenaient intolérables.

« Je remerciai mes compatriotes de la confiance dont ils m’honoraient. Je leur promis d’en parler au Commandeur de Foulquerre, en lui représentant que la conduite des jeunes Français avait des inconvéniens dont il pourrait arrêter les progrès et l’abus, attendu la juste considération qu’on avait pour lui dans les cinq langues de sa nation ; mais je n’espérais pas que cette explication, dans laquelle je comptais mettre toute la mesure et tous les égards possibles, pût se terminer autrement que par un duel. Pourtant, comme cette affaire d’honneur intéressait la dignité castillane, je n’étais pas fâché d’avoir été choisi pour la soutenir ; enfin je crois que je me laissai dominer par une sorte d’antipathie naturelle que j’avais pour ce Français.

« Nous étions dans la semaine sainte, et l’on convint de retarder mon entrevue avec le Commandeur jusqu’après l’expiration de la quinzaine de Pâques. J’ai toujours cru qu’il avait eu connaissance de ce qui s’était passé chez moi, et qu’il avait résolu de nous prévenir en me cherchant querelle.