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SOUVENIRS

et l’avantage de commander une galère de l’ordre à l’âge de vingt-cinq ans ; et l’année suivante étant une de celles où le Grand-Maître devait exercer son privilége de donazione, S. A. en profita pour me conférer la plus riche commanderie de la langue de Castille. Je pouvais donc prétendre sans témérité aux premières charges de l’ordre ; mais comme on n’y parvient que dans un âge avancé, et qu’en attendant je n’avais absolument rien à faire à Malte, j’y suivais l’exemple de nos premiers dignitaires, qui auraient dû nous en donner un meilleur, et je ne m’occupais qu’à faire l’amour. C’est un péché que je regardais alors comme purement véniel, et plût à Dieu que je n’en eusse jamais commis d’autre ! Celui que je me reproche est un acte d’emportement bien coupable, en ce qu’il m’a fait offenser tout ce que nos préceptes religieux ont de plus sacré ; je n’y saurais penser qu’avec un effroi mortel. Mais n’anticipons pas sur le triste événement que j’ai promis de vous raconter.

« J’aurai l’honneur de vous dire qu’il existe ici[1] quelques anciennes familles nobles, originaires de l’île, auxquelles on ne permet jamais d’entrer dans l’ordre, et qui ne veulent avoir aucune sorte de relation avec les Chevaliers, ne reconnaissant pour supérieurs que le Grand-Maître, qui est leur souverain, et les membres du chapitre qui forment le conseil de son Altesse.

  1. C’est-à dire à Malte.