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SOUVENIRS

traverser avant d’arriver dans la carrière. On apercevait, mais de très loin, la faible lueur d’une lampe qui devait être suspendue à la voûte de la grande caverne ; et voilà tout ce qu’ils virent pour cette fois-là.

La Gazette de France annonça que M. le Duc de Chartres était tombé de cheval et que sa tête avait porté sur la barrière de son manége. Le Duc de Fronsac en fut quitte pour se tenir dans son lit avec ses rideaux et les volets fermés, sans rien changer à ses habitudes. Je fis dire à ma porte que M. votre père était allé voir le diable et qu’il ne s’en était pas bien trouvé, ce qui m’affligeait et m’étonnait médiocrement. Enfin le Duc de Lauzun ne fit rien dire et ne dit rien du tout, quoiqu’il allât partout comme à l’ordinaire ; et quand M. le Dauphin voulait le questionner sur le bras qu’il avait en écharpe et les marques noires qu’il avait à la figure, il répondait à M. le Dauphin : — Qu’est-ce que cela vous fait ? ce qui lui servait parfaitement à détourner l’attention, tant on avait à parler sur la prodigieuse étrangeté d’une pareille réplique[1].

Il m’appelait sa tante, à cause de son mariage avec ma nièce de Boufflers, laquelle était la petite-fille de votre tante de Luxembourg (née de Villeroy). Je vous explique ceci pour l’intelligence de vos listes de parens ; car, au bout de quelques généra-

  1. Armand Louis de Gontaut, Duc de Biron, et d’abord de Lauzun. Il avait eu la coupable faiblesse de se ranger sous les drapeaux du parti révolutionnaire, qui l’a fait condamner à mort et supplicier en 1793.
    (Note de l’auteur.)