Page:Créquy - Souvenirs, tome 4.djvu/58

Cette page a été validée par deux contributeurs.
54
SOUVENIRS

vous assure qu’après les lettres de Mme de Sévigné et de Mme de Maintenon, je n’en ai jamais lu de plus spirituellement judicieuses et dont la lecture m’ait paru plus attrayante que celles de Mme du  Boccage. La plupart de ses ouvrages ont été traduits en italien, en espagnol, en anglais, en allemand, et, qui plus est, en polonais ; mais ses lettres écrites de Rome ont toujours été, suivant moi du moins, sa meilleure composition littéraire, et je ne doute pas que la postérité ne les considère avec une grande distinction.

Il y a de fort belles choses dans sa Colombiade ; il y a du talent et de nobles pensées bien rendues dans sa tragédie des Amazones et dans son poëme d’Abel : il y a surtout dans tous les ouvrages de cette illustre personne une expression de simplesse admirable et de modestie charmante ; il y règne un parfum de dignité vertueuse et polie qui fait respecter l’auteur et qui le fait aimer ; il me semble qu’avec un cœur honnête et pur on ne saurait lire Mme du Boccage sans éprouver un sentiment de véritable affection pour une femme aussi naturellement gracieuse : gracieuse et naturelle à la mode du temps, bien entendu ; vous voudrez bien nous passer la houlette et la coudrette.

Fontenelle disait qu’elle était comme une belle montre bien réglée, dont l’intérieur agit avec une rectitude parfaite, et dont le cadran, non plus que la boîte émaillée de fleurs, ne laisse jamais apercevoir aucune agitation.

— Pourquoi ne parleriez-vous pas aussi, lui dit Voltaire, de ces deux trous pour la clef de montre,