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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

ne fussent des Bourdelais-Soulois, des Armagnacots, Astaracquois et autres Gascons. Voyez combien les goûts changent, et dites-moi comment vous trouvez celui des Romains qui mettaient de l’assa-fœtida dans leurs ragoûts, tandis qu’ils avaient l’odeur et la saveur des citrons dans une horreur sans égale !

La famille de finance la plus renommée pour ses prétentions, ses recherches gastronomiques et ses autres ridicules, était celle de la Reynière. Il est inutile de vous en rapporter des détails qui traînent partout ; je ne vous parlerai pas ici de la sotte vanité de Mme de la Reynière, née de Jarente, non plus que des affectations populacières de M. son fils, né Grimod. Je vais en rapporter seulement une historiette, et c’est parce que je ne l’ai vue citée nulle part.

Le père la Reynière, qui revenait d’une inspection financière, entre dans une auberge de village et s’en va bien vite à la cuisine afin d’y faire quelque bonne remarque et pour y procéder à l’organisation de son souper. Il y voit devant le feu sept dindes à la même broche, et pourtant l’aubergiste n’avait à lui donner, disait-il, que des fèves au lard. — Mais toutes ces dindes ? — Elles sont retenues par un monsieur de Paris. — Un monsieur tout seul ? — Il est tout seul comme l’as de pique. — Mais c’est un Gargantua comme on n’en vit jamais ! enseignez-moi donc sa chambre…

Il y trouva son fils qui s’en allait en Suisse. — Comment donc ! c’est vous qui faites embrocher sept dindes pour votre souper !

— Monsieur, lui répond son aimable enfant, je