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SOUVENIRS

Grand-Cophte qui lui donnait, disait-on, le pouvoir de déléguer celui de la divination par l’hydromancie. Voici la formule de ce procédé balsamite.

Une pupille, une colombe, c’est-à-dire une jeune fille en état d’innocence, était placée devant un vase de cristal rempli d’eau pure, et par l’imposition des mains d’un Grand-Cophte, elle acquérait la faculté de communiquer avec les génies de la région moyenne, et voyait dans l’eau tout ce qui pouvait intéresser la personne au profit de laquelle on fomentait la révélation. J’ai vu, bien malgré moi, pratiquer cette opération divinatoire, à la prison des Carmes, à propos du Vicomte de Beauharnais, dont un enfant de six ans, la fille du geôlier, voyait ainsi dans une carafe et décrivait exactement tous les préparatifs du supplice. Mme Buonaparte ne saurait avoir oublié cette révélation sinistre, mais c’est une scène de 1793, et nous n’en sommes pas là. Je vous conseille de vous rappeler en pareille occasion, mon cher Enfant, cette prodigieuse parole du calviniste Bayle, le roi des sceptiques : « Il y a souvent dans ces choses-là beaucoup moins de merveilleux que n’en croient les esprits faibles, et beaucoup plus que n’en croient les esprits forts. »

Le Cardinal de Bernis n’était pas éloigné d’attribuer nos agitations politiques et les premiers crimes de la révolution française à la rancune et à la vengeance des protestans exilés sous le règne de Louis XIV. On pourrait conclure de cela que si les calvinistes français pouvaient porter des coups aussi dangereux à la tranquillité de l’État, Louis XIV avait eu de bonnes raisons pour les bannir de son