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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

que j’ai bien de la peine à vous pardonner, c’est que vous n’aimez pas assez l’églogue et la bucolique !

Elle nous dit ensuite que ce bon ménager de M. du Crest avait fait abattre leur château de Lancy pour en vendre les briques et les boiseries. — Je vous dirai que j’ai l’horreur des puces et des punaises, ajouta-t-elle, et voilà pourquoi je n’ai pas voulu me loger dans ma petite ville de Lancy, où je n’aurais pu fermer l’œil. Voulez-vous que je vous fasse bâtir une jolie cabane à côté de celle-ci ?

— Non pas, s’il vous plaît, lui répliquai-je ; j’ai l’horreur des couleuvres et des crapauds !

— Comment donc cela ? s’écria Mme de Vaudémont ; est-ce qu’il y a des crapauds ici ?… Je veux m’en aller ! je veux m’en aller tout de suite !

— Partez, Princesse ! allez, lui répondit Mme du Crest, en lui riant au nez de tout son cœur.

— Voulez-vous me prêter votre agneau ? lui dit cette étrange Vaudémont avec un sérieux inconcevable ; si vous voulez me le prêter, je vous le renverrai demain matin par mon Écuyer, qui est très soigneux. — Il est très soigneux, Vauménil.

— Oh ! je ne puis pas, lui répondit l’autre en manœuvrant de son grand éventail ; je n’ai pas ici d’autre société que celle de mon tendre agneau ! J’en ai besoin pour ma promenade du matin ; la petite fille que vous voyez là est bête comme une oie, et puis d’ailleurs elle est sourde et muette (ce qui était vrai). Ensuite elle se mit à chanter :

Les soins de mon agneau m’occupent tout entière,
C’est de mon seul agneau que dépend mon bonheur.