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SOUVENIRS.

Son fils aîné, le Prince de Lambesc, était un philanthrope admirable. En traversant votre ancien village de Poix en Boulonnais, il avise une chaumière embrasée, descend de voiture et se précipite à travers les feux et la fumée : il en arrache une bonne vieille paralytique, dont les vêtemens étaient toutien flammes ; il la jette au milieu d’une mare ou barbotaient des canards, et il la noie.

M. de Vaudémont, son second fils, était bien assurément le garçon le plus dissimulé, le plus indiscret et le plus disparate, le frondeur le plus guisard, le mari le plus tracassier, enfin le plus insupportable Prince que la maison de Lorraine ait jamais fourni à la France ! Il était si volontaire et si peu judicieux qu’il aurait aimé tout autant recevoir cent coups d’étrivières que cent mille écus par force ; mais il était si faible de caractère et d’entendement, que nous disions toujours qu’il suivrait le conseil de se tuer pourvu qu’on y mît de la suite. Quand il m’avait fait quelque tracasserie avec sa femme qui venait me trouver pour s’en expliquer et quelquefois pour me le reprocher, je lui répondais toujours uniformément : — Votre mari a deux principaux inconvéniens qui devraient s’exclure : il dit tout ce qu’il sait et il ne sait ce qu’il dit. Ils ont toujours fait mauvais ménage, et je me souviens que le mari voulait absolument inviter à dîner la belle Mme Pâter[1], tandis

  1. Catherine de Newckerke de Nywenheim, femme d’un riche armateur hollandais. Elle a épousé un des frères Champcenets en secondes noces, et je crois bien qu’elle vit encore. (1801).
    (Note de l’Auteur.
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