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SOUVENIRS

manière à ne pouvoir accréditer aucune supposition scandaleuse, et l’on dirait véritablement que ces coutumes de la haute noblesse française avaient été calculées dans l’intérêt de la morale publique. C’était, je crois bien, le résultat d’une civilisation profondément religieuse à son origine, et non moins religieuse encore dans ses développemens. Il ne faut pas oublier que ce sont les Évêques, qui ont civilisé la France et les Bénédictins qui l’ont défrichée. Il est assez remarquable que la France ait été replongée dans la barbarie tout aussitôt qu’elle a eu détruit ses évêchés et ses monastères de Bénédictins.

Mme de Brionne avait eu l’idée de faire écrire son nom à la porte de Mme d’Urfé, chez qui, je vous l’ai déjà dit, on ne laissait entrer presque personne. En voyant mes livrées, on ouvre la porte cochère ; il faut monter chez cette alchimiste, on ne saurait s’en dédire, et nous faisons contre fortune bon cœur. On nous introduit sans nous annoncer ; c’était une méthode adoptée dans cette habitation mystérieuse, et nous trouvons la Marquise assise au coin d’un grand feu (c’était au mois-de juillet), vis-à-vis d’un homme habillé comme au temps du Roi Guillemot. Il avait sur la tête un grand chaperon galonné. Il ne s’était ni levé ni découvert en voyant arriver Mme de Brionne ; et la Comtesse de Brionne, si princesse et si scrupuleusement polie, en parut surprise au dernier point ; — J’ai reçu hier une lettre de M. de Créquy-Canaples ; me dit la Marquise d’Urfé ; il se plaint du froid qu’il éprouve en Artois pendant la canicule ; il paraît