Page:Créquy - Souvenirs, tome 3.djvu/62

Cette page a été validée par deux contributeurs.
58
SOUVENIRS

je fus bien étonnée quand je vis paraître, au bout de vingt-cinq ans, une dissertation de M. de la Condamine, qui relatait scientifiquement aux académiciens, ses collègues, une autre opération crucificiale, où ladite sœur Françoise avait joué précisément le même rôle en présence du signataire et de M. de la Tour-du-Pin-Gouvernet, il y avait de cela douze ou quinze jours. Je l’aurais cru morte en suite et résultat d’un pareil régime. Louis Racine, qui était passé de l’église militante dans l’église triomphante, avait eu soin de lui constituer une rente viagère de cent louis, mais elle avait continué de se faire bûcher, piétiner, enclouer, etc., tous les cinq ou six mois pendant vingt-sept ans. Ce n’est pas moi qui vous expliquerai ce merveilleux effet du jansénisme, au moyen de la dissertation philosophique de M. de la Condamine, car je n’ai jamais pu comprendre ni l’un ni l’autre[1].

Je ne veux pas oublier de vous dire, à propos de M. de la Condamine, qu’il était d’une incorrigible curiosité, et que lorsqu’on écrivait en sa présence, il avait toujours soin d’aller se placer derrière vous pour regarder par-dessus votre épaule. Mme du Boccage en profita pour ajouter à la fin d’une de ses lettres : « Je vous en dirais davantage si M. de la Condamine n’était pas derrière mon dos, lisant tout ce que j’écris. » — Allons donc ! s’écria-t-il, je vous assure que je ne lisais pas !

  1. Voyez un procès-verbal de la police du temps, aux pièces justificatives, à la fin de l’ouvrage.