Page:Créquy - Souvenirs, tome 3.djvu/41

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
37
DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

et tous leurs enfans de tous les âges, au nombre de quatorze ou quinze. Les grands allaient au marché pour le saint Diacre et balayaient la rue devant sa porte, et les plus petits soufflaient le feu derrière la marmite, en protestant contre la bulle Unigenitus à qui mieux mieux. C’était un petit Blanchard de l’entre-deux qui mouchait toujours la chandelle et qui l’éteignait à chaque fois, de manière à ce qu’il était indispensable d’en faire couler et d’en sacrifier une bonne partie pour rallumer le reste. M. de Nesmond nous disait que c’était une calamité bien rude, une croix bien lourde à porter ! mais que le saint Diacre y mettait une douceur, une générosité surhumaines ! et que surtout le père Blanchard édifiait tout le monde en recevant une humiliation si fréquente avec une résignation miraculeuse[1] !

Les bas côtés de la petite église étaient remplis d’ouvriers pénitens non-conformistes, de vieilles bourgeoises et de petites rentières, de vieux Auditeurs des comptes, et enfin des clercs fanatiques et des paperassiers du Châtelet, pêle-mêle avec des servantes et des Oratoriens. Toutes les cuisinières et les vieilles servantes étaient devenues jansénistes. On n’a jamais pu s’expliquer pourquoi les cuisinières s’étaient passionnées pour les cent-et-une

  1. Je vous dirai surabondamment, à propos de ce janséniste Blanchard, que dans une assemblée de Sorbonne on avait mis en délibération d’acheter des serviettes neuves, et que le vieux Docteur se mit à crier : — « Messieurs, valons-nous donc mieux que nos devanciers qui se servaient de celles-ci pendant ma jeunesse, et qui ne s’en plaignaient point ? »