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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

bouillie. Il y a des personnes qui jettent sur ces actions un regard de mépris ; elles condamnent avec encore plus de hauteur tout ce qui a l’air de l’indécence ; mais ces gens-là n’ont pas lu l’Écriture-Sainte ; s’ils la lisaient, ils verraient que Dieu ordonne à un prophète de manger des excrémens, à l’autre de lui faire des enfans de fornications. Isaïe, par l’ordre de Dieu, court tout nu dans les rues de Jérusalem… — Et Judith, ajoutai-je, ne se pare-t-elle pas pour exciter des mouvemens charnels dans un homme qu’elle a dessein d’assassiner ? — Nous ne finirions pas, me dit-il, si nous rapportions toutes les actions irrégulières des prophètes. Ces prétendus critiques les approuvent dans l’Écriture, et condamnent, dans les convulsions, des choses beaucoup moins indécentes. »

Je témoignai à M. de la Barre combien j’étais éloigné d’être de ces gens-là. Je lui témoignai l’empressement le plus vif et le plus ardent pour l’œuvre. Il me dit qu’il ne se passerait rien d’ici à quelques jours ; qu’il me ferait avertir dès qu’il y aurait quelque chose, et que, selon toute apparence, ce serait dans une quinzaine. Je le quittai. M. de la Barre est avocat au parlement de Rouen, fils unique d’un greffier en chef du même parlement. C’est un homme de cinq pieds, trois à quatre pouces, maigre, brun, qui porte ses cheveux. Il a le coup d’œil et le sourire gracieux ; sa physionomie respire la douceur, la bonté et la sagesse ; il paraît avoir quarante à quarante-cinq ans.

Le Dimanche des Rameaux, j’allai rue de Tou-