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SOUVENIRS

grandes et aussi exactes. Que je serais charmé de vous avoir pour coopérateur dans la portion que Dieu m’a confiée !… — J’en suis indigne ; je vous prie seulement de m’admettre comme témoin, et de vouloir bien me faire part de vos lumières… » M. de la Barre se recueillit un instant, puis il me dit d’un ton affectueux : « Ah ! monsieur, que les dons de Françoise sont au-dessous de ceux que vous verrez parmi nous ! D’abord Françoise a un jargon inintelligible ; sœur Sion, au contraire, a des discours d’une beauté et d’un sublime admirables. Je fais des opérations qui coûtent à la nature ; mais il faut sacrifier sa répugnance ; quelquefois je fais des incisions cruciales à la langue ; d’autres fois, par le moyen d’un tourniquet, je mets la sœur Marie en presse ; c’est moi qui ai inventé cette machine ; les frères étaient trop fatigués de presser cette sœur, et ne la pressaient pas assez fort ; enfin, rebuté de voir que ce secours n’était pas donné comme il faut, il me vint en pensée de faire un tourniquet ; je vous le montrerais bien, mais je l’ai déjà fait porter dans un autre logement où je serai dans quelques jours. Outre ces secours, nous avons les crucifiemens. Dieu ordonne quelquefois d’en crucifier trois à la fois ; il y en a une qui est aux pieds de l’autre. On ne peut pas s’empêcher d’être touché ; cela fait un spectacle réellement bien joli. Souvent Dieu les rend petites ; elles sont comme des enfans ; elles se traînent sur les genoux ; elles se jettent sur un lit ; on leur donne des joujoux ; on leur fait manger de la