Page:Créquy - Souvenirs, tome 3.djvu/216

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
212
SOUVENIRS

vit-il en chantant d’une voix grave et solennelle et en se retournant du côté de l’autel afin d’y donner la bénédiction du Saint-Sacrement.

Comme tous les jeunes seigneurs se trouvaient en dehors de l’église, le reste du noble auditoire avait une telle habitude de réserve, d’empire, et l’on pourrait dire de tyrannie sur la manifestation de ses impressions intérieures, que cette déclaration de M. l’Archevêque y fut reçue comme la chose du monde la plus naturelle et la plus ordinaire. On sait que le Maréchal de Tessé disait à son fils. « Soyez toujours en garde contre l’étonnement : la surprise fait toujours commettre des maladresses ; n’ayez jamais l’air étonné de rien, sinon du mal qu’on vous dirait du Roi, de la Reine ou des Ministres de vos amis. »

On s’agenouilla pour recevoir la bénédiction pontificale ; la Duchesse d’Orléans braqua sa lunette sur Mademoiselle de Lénoncour, qui rougissait et pâlissait alternativement, si bien qu’on fut obligé de la faire asseoir sur le fauteuil de M. le Nonce, à qui l’Abbé de Bernis avait commencé par remettre le manuscrit de son beau sermon. Le Maréchal de Brissac se récria sur la manigancieuse perruchonnerie de la tantâtre à l’endroit de sa tourterelle et colombine de nièce qu’elle avait entrepris d’encager, inhumainement et déloyaument, paraissait-il ! mais on sait que le vieux seigneur a son franc-parler en vieux style ; et dans les récits du soir, on se félicita réciproquement, on se congratula noblement, de ce qu’à l’exception des gauloiseries du Maréchal et de la lunette d’opéra de la Duchesse d’Orléans, il ne s’é-