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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

pas en deuil ! C’est-à-dire que j’en ai la fièvre ! et jugez ce qui serait arrivé si je n’avais pas eu la bonne inspiration de venir voir où vous en étiez !…

M. Tiercelet se remit à l’ouvrage avec un air de soumission contrite et résignée, parce que Madame la Comtesse*Brigitte de Rupelmonde était une grande dame de quarante à soixante ans, passablement robuste, exigeante, altière, un peu violente et prodigieusement impatiente à l’égard de ses valets. Elle avait la voix masculine ; elle avait la peau couleur de bistre, avec des yeux verts ; elle était pourvue de sourcils volumineux ; et du reste, elle était Coadjutrice du Très noble et Insigne Chapitre de Sainte-Aldegonde de Maubeuge, en survivance de la Princesse Marie de Beauvau, qui passait avec raison pour être la plus jeune et la plus charmante Abbesse de l’univers canonical.

La Comtesse Brigitte était donc Chanoinesse de Maubeuge, et c’est à cause de cela qu’elle avait une bordure d’hermine à sa robe noire, un affiquet d’ivoire, armorié sur le haut de la tête, un corset fermé comme celui des mignons d’Henri III, et, brochant sur le tout, un beau cordon ni plus ni moins large, et ni plus ni moins bleu que celui d’un Chevalier du Saint-Esprit. Il est à considérer que les trente-deux quartiers de la Coadjutrice étaient fournis par les Lénoncour, les Ligneville, les du Châtelet et les d’Haraucourt, c’est-à-dire par les quatre grands chevaux de Lorraine (excusez du peu !). En outre, il est bon d’ajouter qu’elle était la tante et la tutrice de Mlle Henriette de Lénoncour, qui devait prononcer ses vœux d’obéissance absolue, de réclu-