Page:Créquy - Souvenirs, tome 3.djvu/190

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
186
SOUVENIRS

lement avant des les faire emprisonner, si le cas l’exigeait[1].

Il ne faut pas s’imaginer que les magistrats de ce temps-là fissent appréhender au corps et emprisonner les gens à la légère, comme dit le peuple. Hormis dans les cas de lettre de cachet et les flagrans délits de police, chacun pouvait être en pleine sécurité d’aller coucher dans son lit : témoin, cette réponse de M. de Lauraguais au lieutenant-général de police qui l’avait fait prier de passer chez lui, pour y porter un témoignage : « : Si vous avez quelque chose à me dire, ayez la bonté de venir chez moi, Monsieur ; je ne suis ni catin, ni boue, ni lanterne. »

Que vous dirai-je de cette étonnante et révoltante vision de Mme de Boulainvilliers, quand, d’après l’avis de son Baillif ; elle se fut décidée à faire enfoncer la porte afin d’entrer dans cette chambre basse ? C’était une femme attachée sur un établi de menuisier qu’elle y trouva. Elle avait une jambe écorchée tout au vif et son sang avait inondé le pavé de la salle. Il y avait à terre un scalpel de chirurgien, des tenailles, et je ne sais quel infâme instrument ensanglanté… On trouva dans une chambre au premier étage un lit défait, des habits d’homme élégamment brodés, une épée, des parfums, un pot de rouge, et de plus un petit portefeuille qui con-

  1. L’hôtel de Boulainvilliers est celui qu’occupait dernièrement la famille Rougemont de Lowemberg. Les propriétaires actuels ont eu le bon goût de ne rien changer à la disposition régulière du jardin, ce que tout le monde approuve en se promenant sur le boulevard Poissonnière.
    (Note de l’Éditeur.)