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SOUVENIRS

bassade et des relations diplomatiques, à la disposition de son Excellence. Le Chevalier d’Eon ne s’en tint pas là. Il écrivit et publia contre M. de Guerchy deux mémoires à consulter avec je ne sais combien de pamphlets dont il inonda la France et l’Europe. On n’a jamais vu d’impassibilité stoïque et d’opiniâtreté comparable à celle de ce M. de Guerchy !

Cependant, ledit M. de Guerchy, bien assisté par le Duc de Choiseul, avait fait perdre à M. d’Eon ses pensions. Il avait mangé depuis long-temps l’héritage de son père et vendu son petit fief de Beaumont, dont il avait tiré soixante et tant de mille livres ; M. d’Eon vécut pendant quatre ou cinq ans d’économies, de privations même, et les choses en étaient restées dans cette situation-là jusqu’à la fin du ministère de M. de Choiseul.

On apprit alors que M. de Guerchy avait essayé de faire enlever son rude antagoniste afin de nous l’envoyer à Paris pieds et poings liés, ce qui détermina celui-ci à se réfugier dans la cité de Londres et sous la juridiction du Lord-Maire, où les ministres et le gouvernement anglais ne sauraient attenter à la liberté des citoyens ; c’est ainsi qu’on parle au-de-là du Pas-de-Calais.

Il arriva pourtant que M. d’Eon sortit de ce quartier des franchises municipales de Londres, car il eut une rixe violente à Westminster avec un Français nommé Devergy, que l’Ambassadeur avait aposté pour lui chercher querelle en sortant de chez Milord d’Halifax, où l’on avait su que le Chevalier devait aller souper. Il eut grand’peine à se délivrer