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SOUVENIRS

vaux, qui était le beau-frère du Subdélégué de Tonnerre et qui avait élevé le jeune d’Eon dans son couvent. Ce bon moine était porteur d’une déclaration souscrite par le Révérend Père Abbé-général et par le frater de l’abbaye, lesquels affirmaient par Saint-Bernard et Saint-Benoît que, pendant une maladie du Défendeur, le chevalier d’Eon, on avait eu l’occasion d’observer qu’il était… ou plutôt qu’il n’était pas dans le cas de justifier la principale accusation dont M. de Carondelet voulait le rendre passible. Tant disaient ces révérends Pères et tant fit Mme de Louvois que Louis XV agit d’autorité pour empêcher une autre poursuite, et l’on apprit, deux mois après, que le jeune d’Eon s’était présenté pour toucher au trésor royal une gratification de quatre mille francs, dont le mandat se trouvait écrit tout en entier de la propre main du Roi. À de longs intervalles et de fois à autre on entendit parler de M. d’Eon qui avait tué son capitaine en combat singulier, du Chevalier d’Eon qui avait reçu la croix de Saint-Louis pour un fait plus honorable, du Chevalier d’Eon, ministre-résident à Saint-Pétersbourg, et finalement du Chevalier d’Eon, chargé des affaires du Roi en Angleterre et diplomate assez intelligent, ce disait-on.

M. le duc de Choiseul ou Mme la Duchesse de Grammont, je ne sais si c’était le frère ou la sœur, mais c’était nécessairement l’un ou l’autre, s’avisa de faire envoyer M. de Guerchy comme Ambassadeur de France à Londres, et ce fut un choix vigoureusement désapprouvé, à raison de l’avarice du personnage et principalement à cause de son défaut