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SOUVENIRS

sèches), notre petit garçon finit par se rassurer, mais médiocrement. C’était du côté de Roye, et toute cette famille picarde, si soigneuse et si bien prémunie contre le hâle et les taches de rousseur, était celle du Marquis de Soyecourt.

Deux ou trois heures après, encore une mascarade sur le grand chemin, et c’était pour cette fois-ci des comédiennes de campagne, avec des masques de velours pelé, qui s’approchèrent de ma tante pour lui demander sa protection contre le subdélégué de Péronne qui les avait fait chasser de la ville. Mme de Breteuil avait beau leur dire que son mari n’était plus intendant de Picardie et qu’elle ne saurait intervenir dans leur affaire, ces belles demoiselles ne discontinuaient pas leurs supplications gémissantes, et le directeur de la troupe se mit à genoux pour se lamenter plus convenablement. Le petit garçon n’en éprouva pas beaucoup de frayeur.

Pendant la journée suivante, on trouve arrêtée sur la grande route une chaise de poste entourée par des cavaliers de maréchaussée, et dans laquelle il y avait un homme masqué… — Madame de Breteuil ! Madame de Breteuil ! s’écrie le prisonnier, n’aurez-vous pas la charité de faire dire à ma femme que je viens d’être arrêté chez son père et qu’on m’emmène au château de Ham ? Vous me rendriez grand service et j’ose espérer que vous ne me refuserez pas cette consolation-là. — N’y trouvez-vous nul inconvénient ? dit ma tante en s’adressant au chef de l’escorte, et voudriez-vous me dire le nom de monsieur ? La Brigadier répondit que la chose était impossible, mais qu’il ne voulait ni ne pouvait