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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

cité s’il en fut jamais ; car mon oncle disait que les pommiers n’y pouvaient fleurir et que le blé n’y mûrissait pas. Ce lieu dépendait d’une Commanderie dont mon oncle était bénéficier en langue d’Auvergne ; il ne savait seulement pas comment il fallait écrire le nom de cette ville dont il était Seigneur ; et voici qui n’a guère de rapport avec les œuvres de Voltaire.

Ma tante de Breteuil était un jour en litière avec un petit garçon qui était son filleul et qui avait peur de tout, d’où venait que sa marraine le conduisait en Picardie, chez les jésuites, avec autant de précaution qu’elle aurait fait d’une femme en couches. Ce petit bonhomme avait particulièrement frayeur des masques, et ma tante avait eu l’extrême bonté de ne pas mettre son loup par compassion pour cette manie. Elle aimait beaucoup ce pauvre enfant qui était infirment chétif, et dont personne ne prenait grand soin. Ma tante était suivie par une autre litière avec deux de ses femmes et par une couple de laquais à cheval.

Sa litière est dépassée par un grand carrosse à huit glaces et train doré qui était rempli de belles dames et de petites demoiselles masquées, les dames en velours noir et les enfans en taffetas gris-de-fer ; c’était l’usage du temps. Voilà que le carrosse s’arrête, et que le petit compagnon de ma tante se met à trembler de tous ses membres ; mais en voyant que les dames saluent sa marraine avec une civilité parfaite, et que les enfans masqués lui font (à lui trembleur) des salutations et des prévenances (je crois même qu’ils lui firent porter des confitures