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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

jours est-il que celui-ci s’échappa de Mantoue sans crier gare, et qu’il alla se planter au piquet du côté de Montmélian, sur la frontière de France et de Savoie. C’était en dehors de nos poteaux fleurdelisés, bien entendu ; mais ceci n’empêcha pas l’intendant du Dauphiné de l’y faire saisir par des cavaliers de maréchaussée, quant-et-quant les dépêches de Versailles et les copies déchiffrées qu’il en voulait délivrer moyennant rançon. M. de Lamoignon l’avait fait patienter jusqu’après le retour de son courrier pour Versailles. On avait su, par une information directe de M. Turgot, que c’était lui surtout, Mattioli, qui devait être considéré comme auteur et principal agent de cette insolente entreprise, et vous pouvez bien imaginer qu’un acte d’insolence était un crime irrémissible aux yeux du Roi.

Au demeurant, quelle confiance avoir et quelle sécurité trouver dans le salaire et l’acquisition d’un tel personnage ?

Qui le retiendrait ou pourrait l’empêcher d’aller trafiquer toute autre part avec cette portion du secret des affaires de France dont il se trouvait dépositaire, et dont il devait rester en possession jusqu’à sa mort ?…

M. de Maurepas ajoutait que plusieurs membres du sacré-collége et le premier ministre d’une cour étrangère auraient pu se trouver compromis par la révélation de notre correspondance. M. Colbert avait été d’avis de faire brancher Mattioli, mais M. de Pomponne opina pour la douceur envers le coupable et pour les bons procédés à l’égard du Duc de Savoie, qu’en sa qualité de ministre des af-