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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

de tout son poids, et de manière à lui donner le coup de grâce. Ensuite, il toussaille, il étend ses basques et ses larges mains, il tortille, il manœuvre en bon franc-comtois qu’il était, et finalement il introduit le petit bichon dans sa poche et s’en va le jeter au coin d’une borne.

Mme de Blot n’a jamais su ce qu’était devenu son chien. Les uns lui disaient qu’il était devenu Sylphe, et les autres qu’il avait été, comme Hylas, enlevé par les Nymphes. Il y avait une autre version dont mon fils était l’auteur et qui n’était pas la plus mal accueillie par Mme de Blot, quoique ce fût la plus déraisonnable. Mon fils disait donc que c’était M. le Duc de Duras qui avait eu l’indignité de faire enlever Bichon, pour en faire hommage à S. M. le Roi de Danemarck, auquel il avait charge et mission de faire les honneurs de la capitale, et de faire admirer les merveilles de la France. Mme de Blot n’était pas éloignée d’adopter cette supposition-là.

On aurait bien voulu qu’elle écrivît à S. M. danoise afin de réclamer ou tout au moins pour recommander son favorito rapito, mais Mme la Duchesse de Chartres était intervenue pour empêcher cette folie. Nos jeunes gens avaient eu l’imprudence d’écrire à M. de Duras au nom de Mme de Blot… Ayez donc l’obligeance de m’arrêter et la charité l’interrompre cette belle histoire de chien ! je commence à rabâcher, à ce qu’il me semble, et je m’en afflige.


M. de Voltaire aimait beaucoup à débiter des his-