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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

dégâts qu’il avait commis ; il s’en prenait toujours à d’autres, et c’était la perfection du malencontreux. Je crois bien qu’il était pourvu de quelque office de la chambre ou des écuries d’Orléans ; mais toujours est-il qu’on ne le voyait qu’au Palais-Royal, ennuyeux théâtre de ses males œuvres. Il entre un jour d’étrennes dans le salon de M. le Duc de Chartres, par exemple. Il avait commencé par culbuter un guéridon chargé de porcelaines en vert-céladon craquelé ; il avait déjà marché sur la queue d’un gros chat et sur les petits pieds de M. le Duc de Valois qui criait comme un brûlé ; le voilà qui, parvenu jusqu’à la cheminée, trouve et saisit une bonbonnière en cristal irisé, de la plus vieille roche, et le voilà qui la remet à sa place en l’appliquant sur la tablette de porphyre à tour de bras !!! C’était deux cent cinquante louis bien employés, généreux prince ! voilà ces deux mille écus en petits morceaux ; remettez-les dans votre cassette.

Madame de Lamballe avait laissé tomber un de ses gants. M. d’Osmond s’empresse à le relever, et de sa grosse tête il va rudement choquer celle de la jeune princesse à laquelle il fait une épouvantable bosse au front. Un si furieux coup de bélier contre un si léger et si joli treillis de roses et de jasmin !… Vingt ans plus tôt, M. de Bernis en aurait fait un triolet enchanteur ; mais les madrigaux en guirlande et bouquets-montés avaient déjà passé de mode, et tout ce qu’il en circula de mieux exprimé, c’était que Madame de Lamballe avait été démolie par le Chevalier d’Osmond. Ceci fut remarqué comme étant d’une originalité naïve et d’une familiarité hardie ;