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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

plus beaux bras nus, la plus belle poitrine découverte, et des jambes !… Il paraît que c’était la perfection des belles jambes !

M. le Duc d’Orléans (qui avait le goût des belles choses) arrivait, comme de coutume, à trois heures après midi ; mais la Marquise avait encore eu ce jour-là son attaque de nerfs, elle était plongée dans un sommeil léthargique, et sa première femme de chambre accourait pour barrer la porte en ayant soin de laisser entrevoir cette adorable figure de cire, où rien ne ressemblait effectivement à Mme de Montesson, si ce n’était les traits d’un visage assez commun. Ce gros Duc d’Orléans n’aurait eu garde de passer outre et n’osait souffler ; il était naturellement lourd et timide, et tandis que Mme de Montesson, mannequin vivant, se tenait cachée dans un arrière-cabinet, son futur époux s’en retournait en son Palais-Royal, embrasé d’un feu dévorant et sombre.

Il avait fallu bien des manœuvres et d’autres artifices encore, avant d’aplanir toutes les difficultés qui se trouvèrent au mariage d’un prince du sang royal avec cette bourgeoise astucieuse[1].

Elle avait nom Mlle Beraud-Delahaye, et son père avait été négociant à Saint-Malo, mais non pas des premiers de la ville, où les anciennes familles de la haute bourgeoisie datent de très loin. Je me souviendrai toujours de cette Maréchale de Broglie (née Loquet-de-Granville et vieille Malouine),

  1. Votre père disait que n’ayant pu réussir à faire de Mme de Montesson une Duchesse d’Orléans, il avait pris le parti de se faire M. de Montesson.
    (Note de l’Auteur.)