Page:Créquy - Souvenirs, tome 3.djvu/119

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
115
DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

Nous faisions quelquefois la partie de plaisir d’aller surprendre Mlle Sublet dans son établissement nocturne, où sa couchette était tout obombrée par des buis desséchés, comme dans un bosquet, et sous un berceau de rameaux bénis. C’était certainement bien la plus dévote, la plus familière et la plus étrange personne qui ait jamais été chargée d’attacher des pompons sur une tête couronnée.

Le roi Louis XV ne demandait pas mieux que de faire des enfantillages, et voici qu’il nous dit par un beau soir d’été : — Allons donc contempler mam’selle Sublet.

— Vous la trouverez, lui dit la Reine, en tête-à-tête avec un buste de Votre Majesté, qu’elle, a fait portraire en sucre d’orge.

Voilà qui va le mieux du monde, et nous allons, le manger, répondit-il.

La Reine, me pousse, dans cette chambre, et je m’écrie : — Sublet, le Roi m’envoie pour vous demander si vous n’avez pas attrapé un coup de soleil en vous déshabillant pour vous coucher.

— Quelle heure, est-il ?… Est-ce que le Roi va rester cette nuit auprès de la Reine ? me dit cette bonne fille en se mettant au séant avec un sursaut de jubilation. Le Roi, qui était derrière moi, se tenait à moi par la pointe de ma manchette (à l’engageante), et je répondis à Mlle Sublet, avec assez d’embarras, qu’il était neuf heures sonnées. Vous pensez bien que je n’avais rien à lui répondre au surplus.

— Imaginez, reprit-elle en faisant le signe, de la croix, imaginez que le Roi n’a pas couché céans depuis plus de six semaines !