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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

la Palice à tous les chanteurs du Pont-Neuf et des boulevards de Paris.

Voyez un peu de qui dépendent et à quoi tiennent les réputations populaires allez donc conquérir le royaume de Naples et vous faire navrer en cent batailles ! allez donc gouverner les Duchés de Gênes et de Milan pour en finir glorieusement à la bataille de Pavie où vous tombez frappé de mille coups ! Voilà qu’il se trouve un sot qui fait rimer des niaiseries et voilà le peuple français qui prendra jusqu’à la fin des temps un héros pour un nigaud. C’est une sorte d’indignité qui m’a toujours mise en révolte et l’ancien Évêque de Clermont (Massillon) s’en divertissait beaucoup. Le Duc, depuis Maréchal de Richelieu, lui disait un jour chez moi : — N’est-il pas vrai, M. de Clermont, que Mme de Créquy manque essentiellement à la charité chrétienne, et qu’elle ne devrait jamais approcher des sacremens sans avoir été se réconcilier avec tous ces chanteurs des rues qui se moquent du Maréchal de la Palice ?

M. l’ÉvÊque de CLermont nous conta le même jour qu’il y avait une jeune pensionnaire de l’abbaye Saint-Antoine qui avait donné de grandes inquiétudes à la maîtresse des classes, parce qu’on ne pouvait ni découvrir ni lui faire dire comment elle employait l’argent qui lui provenait de sa famille et qui consistait dans un louis d’or par mois. On la soupçonnait de gourmandise ou de quelque autre dissimulation coupable ; enfin l’Évêque de Clermont, qui était l’ami de son père, entreprit d’éclaircir la chose, et il se trouva qu’elle employait sa petite prébende à faire dire des messes de Requiem