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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

hurlante et parfumée d’ail ; car les principaux officiers du port qui nous faisaient escorte avaient été séparés de nous par le tumulte. — Vous ne reconnaissez pas Thierry, Monseigneur ? Thierry, votre ancien fourbisseur ? Est-il possible que vous ayez oublié Thierry ?… — Que me veux-tu ? lui dit votre grand-père. — Monseigneur, ayez la charité d’écrire au Roi que vous avez trouvé ici le pauvre Thierry dans un cruel embarras. Voilà tout ce que j’ai à vous dire mais ne refusez pas de me rendre ce service-là ! je vous en prie, Monseigneur !

Mon mari garda merveilleusement bien son sérieux ; il dit au Prévôt : — Je vous demanderai, Monsieur, de ne pas faire exécuter cet homme avant que vous n’ayez reçu de mes nouvelles. Il écrivit le soir même à M. de Maurepas, qui se fit un divertissement de nous faire accorder la grace de ce pauvre faux-monnoyeur. J’ai toujours grand’pitié des faux-monnoyeurs qu’on met à mort. C’est une loi qu’on dirait inspirée par des traitans et des trafiquans arabes plutôt que par des conseillers nobles et des magistrats chrétiens.

Nous passâmes huit jours à Monaco chez notre cousine de Valentinois, qui nous fit grand’chère et qui nous avait fait adresser, par sa forteresse, une salve de treize coups de canon. Lorsque M. de Créquy voulut s’en expliquer, en lui demandant sous forme de plaisanterie, « à qui elle en avait et pourquoi l’on nous avait reçus dans sa ville princière avec une solennité pareille ? » — Laissez-moi donc tranquille, Louis-le-Débonnaire, répondit-