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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

faire entendre que sa fille ne pouvait plus rester à la Madeleine de Traisnel.

Le père arriva du Bourbonnais le plus vite possible mais à peine fut-il descendu de voiture, que M. le Régent lui fit dire de venir au Palais-Royal où ce digne Prince avait à lui parler sur-le-champ ; et ce fut pour lui proposer de partir à l’instant même, à franc-étrier, pour s’en aller à l’armée de Catalogne en qualité de Brigadier des armées du Roi, que M. de Champron n’avait servi jusque là qu’en qualité de Colonel. Le malheureux père entrevit la vérité ; il quitta le Régent sans daigner lui répondre et comme il redoutait quelque violence, il s’en fut enlever sa fille avec tant de célérité que toute la suite de l’intrigue en fut déjouée.

Il alla la déposer, devinez en quel endroit ? À la chancellerie, chez M. le Garde-des-Sceaux, place Vendôme, où elle resta bien enfermée sous clef pendant plus de six mois et c’est de là qu’elle est partie pour se marier avec le Marquis du Deffand, lequel était Officier des gardes-du-corps de Mme la Duchesse de Berry.

On ne se douta jamais de rien, mais on avait cru remarquer qu’aussitôt qu’il était question de M. le Régent, Mme du Deffand semblait éprouver une sorte de malaise, et qu’elle devenait muette comme, un poisson.

Ma tante de Lesdiguières[1] avait une autre his-

  1. Athénaïs de Créquy-Lesdiguières, Chanoinesse-Comtesse de Maubeuge. Elle est morte en 1778, âgée de cent ans et neuf mois, sans aucune infirmité.
    (Note de l’Auteur.)