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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

avait connue dans son enfance, et qu’il appelait sa bonne tante. Il voulut bien me dire qu’il était charmé de me voir au Palais-Royal, ce qui n’était guère à propos dans la circonstance où l’on m’y voyait pour la première fois ; de plus il reconduisit les Dames jusqu’à la porte de la deuxième salle, mais il eut soin de laisser entrevoir que c’était à cause de la Duchesse de Bouillon, c’est-à-dire en l’honneur du Roi de Pologne Jean Sobieski.

Si la faveur qu’il venait de promettre était une sorte de consolation, elle ne soulagea que le Prince de Ligne, qui songeait bien autrement à la préservation de ses quartiers qu’il ne tenait à la vie de son neveu. Ce malheureux jeune homme ne voulut se laisser visiter que par le jeune Évêque de Bayeux et par M. de Créquy. Il venait de recevoir la communion lorsque votre grand-père entra dans la chapelle de la Conciergerie, où le Comte Antoine était agenouillé devant la sainte table, et où l’on achevait une messe des morts qu’il avait fait dire à son intention (ceci n’est pas dans la règle canonique, et ne laisse pas d’être usité dans les Pays-Bas). Il dit à M. de Créquy : — Mon Cousin, j’ai le corps de N. S. Jésus-Christ sur les lèvres, et je vous proteste de mon innocence, en tant qu’il s’agisse d’une intention de meurtre (il ne daigna pas aborder cette Infâme supposition du vol). Il détailla toute son affaire avec simplicité, clarté, résignation, courage ; il ajouta qu’une chose inexplicable pour lui, c’est qu’après avoir mangé ce qu’on lui fournissait de la prison avant de le conduire à ses interrogatoires, il avait toujours éprouvé comme une sorte de vertige et