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SOUVENIRS

et désintéressées dont M. de Créquy se divertissait beaucoup.

Comme ce galant et beau jeune homme avait eu quelquefois la précaution de se déguiser pour sortir la nuit, les racoleurs pour le Mississipi l’avaient déjà saisi plusieurs fois pour le diriger du côté du Havre-de-Grâce ; on aurait dit qu’ils le guettaient particulièrement, et comme on l’avait maltraité dans le lieu de dépôt où se rassemblaient ces racoleurs, votre grand-père en fut porter plainte à l’ancien Garde-des-Sceaux, qui, bien qu’il se fût retiré des affaires, n’en avait guère moins de crédit et d’autorité. M. d’Argenson lui répondit mystérieusement : — Ne vous en mêlez pas, sinon pour le faire quitter Paris. Je ne sais rien, je n’y puis rien mais il est perdu s’il ne s’en va pas ; voilà tout ce que j’en puis dire…

C’était dans la semaine de la Passion, je ne l’oublierai jamais ! On vient avertir M. de Créquy que le Comte Antoine est à la Conciergerie du Palais depuis vingt-quatre heures, et qu’il est question de le trainer devant la Tournelle à propos d’un assassinat. On va s’informer, et l’acte d’accusation portait réellement que le Comte de Horn avait poignardé dans la rue Quincampoix un agioteur, un colporteur d’actions sur la banque de Law : c’était un juif, un usurier, c’était une chose inexplicable. Votre grand-père, à qui les paroles de M. d’Argenson donnaient à penser, s’empressa de convoquer à l’hôtel de Créquy tous les parens et alliés de la maison de Horn. On se rendit, en députation chez le Premier Président de Mesmes, où l’on apprit à n’en