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SOUVENIRS

Pour en revenir aux obsèques de la Reine de Portugal, qui venait de mourir empoisonnée véritablement et bien évidemment, je vous dirai que j’avais eu chez moi, la veille, une furieuse dispute avec Voltaire, à propos du luthéranisme, et parce qu’il avait entrepris de me soutenir qu’on pouvait être parfaitement bon chrétien tout en restant hors de l’unité catholique. Tout en portant le manteau de Madame Louise de France, qui devait mourir

    lequel était devenu tout-à-fait insupportable et qu’on avait fini par exiler honorablement dans son gouvernement du Lyonnais, je vous dirai, de peur de l’oublier qu’un jour ledit Maréchal s’avisa de griffonner, suivant son usage, et d’adresser de Lyon à l’ancien Évêque de Fréjus, ci-devant précepteur du Roi, devenu son premier Ministre et Cardinal de la Sainte Église Romaine, une lettre des plus altières et des plus impertinentes, au sujet de je ne sais quelle recommandation qu’il avait faite en pure perte à son Éminence ; et voici comment lui répondit le Cardinal :

    « J’ai reçu Monsieur le Maréchal, une lettre que je n’ai pu lire et que je n’ai pu me faire déchiffrer, mais dont la signature m’a paru ressembler à la vôtre. Si vous prenez la peine de m’écrire une autre fois, et si vous désirez que j’aie l’honneur de vous répondre, ayez soin de vous y prendre différemment. Il ne faut pas qu’on puisse dire que le roi avait un gouverneur qui ne savait pas écrire et un précepteur qui ne savait pas lire. Recevez avec bonté l’assurance des sentimens que je vous conserve et qui sont bien particuliers, étant et voulant rester à jamais, Monsieur le Maréchal, votre affectionné serviteur.

    Le Cardinal de Fleury. »


    La copie de cette lettre, que vous trouverez dans mes papiers est de la propre main du Cardinal, à l’âge de 89 ans. Il me l’a copiée et donnée lui-même à Issy, le 28 décembre 1742. un mois avant sa mort.

    (Note de l’Auteur.)