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SOUVENIRS

frémissais qu’il ne survint quelqu’un, ce qui m’aurait fait rire aux éclats. Imaginez le scandale, et jugez de ma frayeur !

Je lui dis pourtant que sa femme était désespérée d’avoir à retourner chez le Vidame de Poitiers ; que le Maréchal de Richelieu n’aurait pas le courage de l’exiger s’il la voyait dans l’état où je l’avais laissée, et que lui, M. d’Egmont, devrait bien intervenir contre l’exécution de cette ordonnance du Maréchal, afin de retarder cette inexplicable visite à l’hôtel de Lusignan jusqu’au retour de son beau-père avec qui l’on serait toujours à temps pour s’en expliquer.

Madame la Marquise, me répondit le Comte d’Egmont avec une gravité sententieuse et périodique, en s’écoutant parler comme aurait fait un Drossard au conseil suprême de Brabant, je suis sensiblement touché de votre extrême bonté pour Madame la Comtesse d’Egmont, et je ne suis pas moins sensible à la peine que vous avez bien voulu prendre en venant ici pour nous en donner ce nouveau témoignage. Il est sûrement fort à désirer que Madame la Comtesse d’Egmont n’éprouve aucune contrariété relativement à cette visite à l’hôtel de Lusignan, dont je ne saurais imaginer, pas plus que vous, Madame la Marquise, et pas plus que Madame la Comtesse d’Egmont, quels peuvent être le motif et l’utilité ; mais il me paraît non moins à désirer que Monsieur le Maréchal de Richelieu n’ait point à nous reprocher de n’avoir pas suivi les intentions qu’il a manifestées en votre présence à Madame sa fille, et je ne vois pas comment on pourrait concilier