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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

bas de l’escalier champêtre et qui la reconduisit jusqu’à son carrosse. Imaginez la surprise et les éclats de rire à l’hôtel de Richelieu, nous attendions curieusement le retour de Mme d’Egmont !

Le Maréchal survint inopinément chez sa fille, et voilà qu’il se mit à ratatiner sa petite bouche en fermant ses petits yeux, ce qui était chez lui le signe pathologique du mécontentement.

Comtesse d’Egmont, dit-il de sa voix la plus creuse et la plus enrouillée, ce qui n’est pas peu dire. vous n’auriez pas dû, ce me semble, en agir de la sorte à l’égard d’un homme de cette naissance et de cet âge là, sans compter qu’il est très malade ; et je vous conseille de retourner à l’hôtel de Lusignan, pas plus tard que demain matin.

— Hélas ! Monsieur, répondit-elle en adoucissant encore sa voix si douce, et en tournant vers lui ses yeux enchanteurs, qui étaient moitié supplians et moitié malicieux, comment voulez-vous que je puisse le réveiller ?

Vous pourrez vous adresser à son gentilhomme !

— Mais que supposez-vous donc qu’il ait à me dire ?

Pour le savoir, il faudra que vous preniez la peine de retourner chez lui demain matin, et j’ose espérer que vous n’y manquerez pas !

Le Maréchal essaya de nous parler d’autre chose, mais il ne put jamais se dérider. Il nous quitta pour aller à Versailles, où il devait faire une semaine de service pour un des premiers gentilshommes de la chambre qui était malade ; et plût à Dieu que sa pauvre fille ne fût jamais retournée à l’hôtel de Lusignan !