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SOUVENIRS

de la manière la plus charmante. Il était le confesseur de tous mes grands parens. La parenthèse a été longue ; mais je m’engage à ne plus vous reparler de l’Abbé Cochin.

La Comtesse d’Egmont reçut un jour une lettre du Vidame de Poitiers, qui la suppliait de vouloir bien prendre la peine de passer chez lui, parce qu’il avait à l’entretenir d’une affaire importante, et qu’il n’était pas transportable ; c’est le mot dont il se servait, et sur lequel on ne manqua pas d’épiloguer à l’hôtel de Richelieu. — Irai je ? — Allons donc ! — Il est devenu fou ! — N’allez pas chez un pareil sorcier ! — Ne manquez pas d’aller à son rendez-vous, dit le Maréchal à sa fille.

Il avait été question d’envoyer chez le Vidame, à la place de Mme d’Egmont, une grosse demoiselle assez ridicule pour une chanoinesse à trente-deux quartiers, car elle parlait français comme une servante de Maubeuge, et c’était une Comtesse de Sainte-Aldegonde ; mais le Maréchal y mit un air d’autorité si résolu que la Comtesse d’Egmont fut obligée d’en prendre son parti. Elle a souvent répété qu’elle avait éprouvé sur cette entrevue des pressentimens extraordinaires ; enfin la voilà partie pour l’hôtel de Lusignan, que personne ne savait comment trouver, parce que les gens du monde n’y allaient plus et n’y envoyaient jamais.

Sans avoir aucun air de magnificence à l’extérieur, c’était un véritable palais de fée que cette maison, et toute habituée qu’était Mme d’Egmont à la délicieuse élégance de l’hôtel de Richelieu comme à la splendeur du château de son grand-oncle, qui