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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

dans un même tableau tous ses petits-neveux en Amours et complétement nus, ce qui va sans dire, avec des bandeaux, des flambeaux, des carquois, des ailes, enfin tout le surplus de leur attirail mythologique et de leurs affiquets érotiques ; mais comme il n’aurait pas été juste et bienséant de représenter des enfants de la maison de Noailles comme des divinités vulgaires, des Amours du peuple ou des Cupidons bourgeois, on leur avait mis le plastron de Malte sur la poitrine, entre cuir et chair, afin de montrer qu’ils étaient nés Grand’Croix de l’ordre. On voyait écrit sur une exergue d’architecture, au fond du tableau, que la mère de tous ces Amours était une Vénus et qu’elle était la dernière de la Maison d’Arpajon. Il y avait encore un de ces Cupidons Grands Baillis qui portait à la pointe de son trait vainqueur une banderolle où l’on avait inscrit les initiales de la devise de l’ordre F. E. R. T. Fortitudo ejus Rhodum tenuit (leur valeur a sauvé Rhodes). Je ne sache pas qu’on ait jamais rien vu de plus hétéroclite, et tous les Noailles en riaient à se tenir les côtés. Il est à noter que tous les Noailles étaient gens d’esprit et du meilleur goût, mais c’était néanmoins et pour tout dire, à la restriction du Prince de Poix qui n’a jamais eu ni l’un ni l’autre.