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SOUVENIRS

prévision par ce moyen-là, disait-elle. On expliquera ceci comme on voudra mais c’est un fait avéré.

Par suite de sa parenté avec Messieurs de Lévis, qui n’étaient parens de la Vierge Marie que par alliance et par suite du mariage qu’elle avait eu l’honneur de contracter avec saint Joseph, avait soin d’observer la Maréchale, voilà qu’elle arrive un soir à la ménagerie de Versailles, et qu’elle se fait ouvrir d’autorité la loge des lions. Ces animaux restent confondus en voyant arriver auprès d’eux cette grande femme avec un grand habit sur un si grand panier ! Apparemment que leur instinct les avertit qu’ils ne pourraient pas tirer grand profit d’une vieille femme si sèche et si bien préservée par vingt-cinq ou trente aunes de soieries épaisses, étalées sur des cerceaux et renforcées par des matelassures insapides, comme diraient les physiciens, mais toujours est-il que les lions se mirent à bâiller en la regardant, et qu’ils la laissèrent ressortir de leur loge comme elle y était entrée. L’Évêque diocésain de la Maréchale et de la Ménagerie, qui était M. de Chartres, entreprit de lui en faire un cas de conscience, en disant qu’elle avait tenté Dieu ! Mais elle le rabroua de la belle manière en lui répliquant qu’il n’avait pas bien lu la Bible ou qu’il était un homme de peu de foi, attendu que les lions ne peuvent rien contre la race de Lévy. Si l’on avait voulu déterminer la Duchesse de Ventadour et surtout le Maréchal de Mirepoix à tenter l’essai de ce beau privilège on aurait eu de la peine à les y décider[1]

  1. Charlotte de la Mothe-Houdancour, veuve de Louis de