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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

Le Grand-Prieur me contait un jour que les suisses de l’hôtel d’Angoulême (rue Pavée dans le Marais), avaient eu l’industrie de gagner une fortune énorme en vendant de l’eau du Jourdain pour faire venir du lait aux nourrices en abondance ; mais comme on découvrit que c’était de l’eau de la rivière des Gobelins, qui est malsaine, on les attaqua devant la Tournelle, et le dernier des Valois fut tellement choqué des poursuites exercées contre ses gens qu’il envoya mettre le feu à la maison du premier Président, M. Molé. Les valets de M. le Duc d’Angoulême avaient barré les rues voisines, afin d’empêcher qu’on y portât remède, et la maison du Président fut brûlée tout doucement, à petit feu l’on pourrait dire, et sans nulle opposition des capucins ni des pompiers du guet, leurs émules. Mon oncle disait aussi que presque toute la fausse monnaie qui circulait dans Paris était débitée par les domestiques du Duc d’Angoulême, et quand le Roi Louis XIII lui commandait de s’en expliquer, — Mais je n’en sais pas davantage que vous, répondait-il ; je donne à loyer, en mon château de Grosbois, une ou deux chambres au diacre Merlin, qui me baille en retour aux environs de sept à huit mille pistoles par an. Je ne me suis jamais enquis de ce qu’il faisait dans ces chambres ; envoyez-y voir le Président Molé ; et Louis XIII ne pouvait s’empêcher d’en rire.

Le Grand-Prieur de Froulay m’a dit aussi que Louis XIV n’aimait pas du tout que les faiseurs d’épitres et de prologues, ni les auteurs de dédicaces, le tutoyassent en vers pas plus qu’ils ne l’auraient fait en prose : — Le Roi François Premier ne le souf-