Page:Créquy - Souvenirs, tome 2.djvu/172

Cette page a été validée par deux contributeurs.
168
SOUVENIRS

du Roi, dans la crainte que l’on ne bâtit des citadelles dans leurs villes : — Je n’en veux point d’autres, répondit-il, que le cœur de mes sujets.

« Ce fut à peu près dans une pareille occurrence que l’un des plus sages et des plus vertueux magistrats que la France ait jamais eus, Miron, Lieutenant civil de Paris et Prévôt des marchands, fit au Roi des remontrances hardies au sujet des rentes de l’Hôtel-de-Ville, dont on voulait faire une recherche préjudiciable à l’intérêt et au repos des familles ; les paroles de Miron, qui n’étaient que fortes, parurent séditieuses aux courtisans. Plusieurs conseillèrent au roi de le faire enfermer à la Bastille. Au premier bruit de ces conseils violens, le peuple, qui idolâtrait Miron, et qui n’avait pas encore perdu cette audace et cette impétuosité que donnent les guerres civiles accourut en foule à la porte de ce magistrat. Il fit retirer la populace avec sagesse, et vint se présenter à Henri IV, plein d’une confiance que lui donnaient sa vertu et celle de son maître. Quand il parut devant le Roi, il n’en reçut que des éloges. Le Prince approuva sa fidélité et la hardiesse de son zèle. Vous avez voulu, dit-il, être le martyr du bien public ; mais je ne veux point en être le persécuteur. Il fit plus, il révoqua son édit, et apprit aux rois, par cet exemple, qu’ils ne sont jamais si grands que lorsqu’ils avouent qu’ils se sont trompés. Le dirai-je Sire ? oui, la vérité me l’ordonne ; c’est une chose bien honteuse pour les rois que cet étonnement où nous sommes quand ils aiment sincèrement le bonheur de leurs