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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

peuvent se défendre) au coin d’une rue, ou je les attaque résolument dans un bois ; mais je ne veux pas mettre à mort une signora qui est garottée dans un fauteuil de velours, et baillonnée par une figue de Venise : c’est un office de bourreau qui ne saurait convenir à un homme d’honneur. Et voilà Domenico qui jette les deux bourses aux pieds de cet époux vindicatif.

Celui-ci n’osa pas insister avec une indiscrétion mal séante. Il pria l’armurier de se laisser encore une fois bander les yeux, et puis il le fit reconduire jusqu’à la porte de la ville. Cette action délicate et noble avait fait beaucoup d’honneur et d’amis à Domenico Marto, mais il en est une autre qui fut encore approuvée plus généralement[1].

Il y avait dans les deux cités de Palestrine et de Gallicano deux familles rivales et deux hommes de qualité qui ne se pouvaient pas souffrir. C’étaient les Cirulli, qui provenaient d’un Échanson du Connétable Pompée Colonna, Prince de Palestrine, et les Serra d’Ognano, qui descendaient d’un Thuriféraire du pape Martin V (Othon Colonna). Le Comte Cirulli fit appeler Dominique et lui proposa mille écus s’il voulait assassiner le Marquis d’Ognano ;

  1. On allait jusqu’à nommer ces personnages indiqués par la clameur populaire ; ce mari jaloux devait être Tiberio Caraffa, Duc d’Andria, Comte de Montecalvo et Prince de l’Académie des Otiosi de Naples ; le nom de sa malheureuse femme était Aureliane Imperiali de Francavilla, et dans tous les cas, le Duc d’Andria ne pouvait plus sortir de ses fiefs de Sicile, attendu que les tribunaux romains et napolitains l’avaient condamné à mort en 1718.
    (Note de l’Auteur.)