Page:Créquy - Souvenirs, tome 2.djvu/133

Cette page a été validée par deux contributeurs.
129
DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

On savait qu’un riche bourgeois de la ville était venu lui dire un soir : — Domenico, voici cent onces d’argent que je vous donne. Dans une demi-heure d’ici, vous allez voir passer deux jeunes gens qui seront en habit d’écarlate ; vous vous approcherez d’eux avec un air de mystère, et vous leur direz à demi voix : — N’êtes-vous pas le Chevalier Feltri ? Celui-ci vous dira : — C’est moi. Vous lui donnerez un coup de poignard, et dans le cœur, si vous pouvez ; l’autre jeune homme est un poltron qui ne manquera pas de s’enfuir, et vous achèverez Feltri, s’il en est besoin. Il est inutile que vous alliez vous réfugier dans une église ; retournez tranquillement chez vous où je ne manquerai pas d’aller vous retrouver.

Dominique exécuta ponctuellement les instructions du mari jaloux ; et sitôt qu’il fut rentré dans sa boutique, il y vit arriver ce riche bourgeois dont il avait servi le ressentiment. — Je suis très-content de ce que vous avez fait pour moi, dit-il à Dominique ; et voici encore une bourse de cent onces que vous allez partager avec le premier officier de justice qui viendra chez vous. Le chef des sbires entra bientôt dans la boutique de l’armurier, sous prétexte d’y marchander une espingole, et sans autre explication Marto lui mit dans la main les cinquante onces destinées à la justice de Palestrine ; après quoi, le chef des sbires invita l’armurier à venir chez lui pour y faire un souper d’amis. Ils se rendirent à son logement, qui touche à la prison publique, et ils y trouvèrent pour convives le barrigel avec le geôlier de la carcera principata.