Page:Créquy - Souvenirs, tome 2.djvu/112

Cette page a été validée par deux contributeurs.
108
SOUVENIRS

tenir sur un pied d’importance et de considération qu’on n’y pourrait dénier à la sœur du Cardinal de la Trémoille et la veuve du Prince degli Orsini, Duchesse douairière de Bracciano. Elle avait profité de sa faveur et de son crédit en Espagne pour y faire accorder la grandesse au neveu de son premier mari, M. de Chalais, ce qui fut la première assise de la première fortune des Talleyrand, comme je vous l’ai dit plus tôt. Elle accordait encore l’honneur de sa confiance et de ses bonnes grâces au sieur d’Aubigny, gentilhomme poitevin qu’elle appelait Don Louis, parce qu’il avait été son commensal et confident favori pendant son usurpation d’Espagne. C’était un grand dégingandé, vaniteux, loquace et le plus familier du monde. Le Cardinal de Mailly disait qu’il devait parfaitement ressembler à Conchino-Conchini, le maréchal d’Ancre. Il s’avisa de venir un jour m’assaillir de propos galans auprès de la Reine d’Angleterre, Marie Sobieska, chez qui Mme des Ursins, qui cherchait à le faufiler partout (pour honorer sa prédilection), l’avait envoyé faire un message. Il m’avait abordé si cavalièrement que j’en fus outrée et que je lui demandai comment il s’appelait ?… — Mais, Madame, je suis le Chevalier d’Aubigny, dit-il en se mordant les lèvres. Je lui répondis : — C’est bon, Monsieur, je m’en souviendrai.

Vous savez déjà que la Princesse des Ursins était ma proche parente et ma marraine. Elle était glorieuse autant qu’on peut l’être quand on s’est appelé pendant quinze ou seize ans Mademoiselle de la Trémoille. Vous pouvez bien penser que le nom de