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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

me dire ce gardien des Franciscains, dit-il à ses gentilshommes de la chambre, et ceux-ci rentrèrent en disant qu’il ne voulait s’en expliquer qu’avec le Duc.

Ce que les deux novices avaient aperçu et ce qui ne pouvait avoir été vu qu’au moyen du télescope ou par les oiseaux du ciel, c’était l’assassinat d’un capucin que le meurtrier dépouilla de sa robe et dont il traîna le cadavre dans un ravin. Il se revêtit ensuite de la robe du mort, et sortit du bois en se dirigeant du côté de la ville, où le Duc de Modène était arrivé depuis deux jours afin d’assister aux solennités de je ne sais quelle fête patronale.

Ce que désirait le Père Gardien, c’était que le Duc de Modène envoyât dans son couvent quelques soldats, gens de cœur et de résolution, et non pas des pleutres comme les sbires, qui d’ailleurs et presque toujours sont en connivence avec les brigands. C’était afin de se pouvoir saisir du meurtrier, qui ne manquerait pas de venir demander un asile aux religieux de Saint-François à l’abri de sa robe de franciscain, et d’autant plus certainement que d’après la coutume italienne, il ne pouvait aller s’héberger dans aucune autre maison de la ville.

Les deux novices avaient observé toute chose avec une attention singulière. On ne pouvait s’y tromper, attendu que la robe du moine était de beaucoup trop courte pour le voleur, attendu qu’il était sans barbe, et qu’en faisant tomber le capuchon dont il avait couvert sa tête, on trouverait qu’il avait de longs cheveux noirs et crépus ; enfin