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SOUVENIRS

puis quelques années, et laquelle princesse avait été sœur aînée de l’impératrice Amelie de Brunswick, femme de Joseph premier. C’était une sorte de colosse érudit, discuteur et didactique, ayant deux yeux immenses avec un regard innocent et l’air doctoral ; infiniment courtois, du reste, et connaissant parfaitement bien la cour de France, au point de m’en avoir appris certaines particularités relatives à MM. de Dangeau, de Noailles et de Maulévrier, dont le nom de famille était Langeron, me dit-il, et non pas Damas, comme je l’avais supposé mal à propos.

Monsieur son fils, le Prince héréditaire, avait l’air intérieur, affecté, langoureux, ce qui ne l’empêchait pas d’être enthousiaste et frondeur ; il avait la figure et l’encolure d’un enfant malade ; mais pour se donner plus belle apparence, il avait de la poudre d’or sur les cheveux avec du blanc, du rouge et des habits si ridiculement chamarrés de rubanneries en aiguillettes, en bouffettes et nœuds flottans, qu’on aurait dit un petit Mascarille. Il avait épousé, comme je vous l’ai déjà fait savoir, une fille de M. le Régent, qui nous reçut d’assez mauvaise grace, en disant qu’elle ne m’avait jamais vue chez son père ; ce que je ne fis pas mine d’entendre et ce que M. de Modène eut l’air de trouver tout naturel, attendu que les honnêtes femmes n’allaient guère au Palais-Royal et qu’il en savait la raison. Comme elle se rabâchait et se ruminait souvent dans la même phrase, en répétant « la Marquise de Créquy ne venait pas chez mon père, » le Duc Renaud finit par s’en impatienter. — N’ou-