Page:Créquy - Souvenirs, tome 2.djvu/100

Cette page a été validée par deux contributeurs.
96
SOUVENIRS

Je vous ferai grace de toutes ces histoires de la cheminée, de la sonnette et du couteau de M. de Matignon qui sont tombées dans le domaine populaire, autant vaut dire dans le ruisseau des halles ; mais il me reste à vous en conter une historiette que je crois inédite et que je tiens du Maréchal de Tessé.

Mon oncle était allé passer quelques jours d’automne à Thury chez la Duchesse d’Harcourt où se trouvait le Coadjuteur de Lisieux. On y parlait, pour se divertir, d’un vieux hableur des environs qui passait dans tout le pays pour un illustre, parce qu’il portait régulièrement les deuils de cour et qu’il allait quelquefois dépenser l’argent de ses économies sur les tables d’hôte et dans les cafés de la capitale. Il disait à ses camarades de chasse que le Roi (Louis XIV) l’avait toujours traité avec une distinction sans pareille, et qu’en le voyant accourir de Paris à Versailles, en nage et couvert de poussière, il avait toujours la bonté de le recevoir à bras ouverts. — Eh ! bonjour, mon ami Gaudreville, il y a tantôt mille ans qu’on ne vous a vu ; comment vous portez-vous ? — Mais, Sire, cela n’en va pas plus mal, et si ce n’était la fatigue du chemin… — Vous ne seriez peut-être pas fâché de vous rafraîchir avec une bouteille de mon vin de Mâcon ? — Par ma foi, ça n’est pas de refus !… Ici, le hobereau fut interrompu par un Écuyer du

    gentilhomme, entendez-vous ! que j’accorderai des lettres de grace pleine et entière à celui qui vous tuera.

    (Note de l’Auteur.)