Page:Créquy - Souvenirs, tome 1.djvu/92

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
84
SOUVENIRS

chapelle est bâtie de cailloux roulés par l’Océan ; les parois et la voûte, à l’intérieur, sont toutes couvertes de branches de corail, de mamelons d’ambre, de prismes d’algue-marine et de coquillages éclatans recueillis sur tous les rivages connus et rapportés par de pieux matelots. L’autel est un quartier de roche à qui l’on a laissé les aspérités d’un écueil, et dans le pourtour, on voit suspendus, comme ex-voto, des ancres de sauvetage et des chaînes de captif.

Nous y vîmes arriver une longue file de marins Bretons échappés d’un naufrage ; ils marchaient deux à deux, le capitaine à leur tête, avec les pieds nus, en chemise et la corde au cou. Le Père hospitalier fut les recevoir sur la grève, et les conduisit silencieusement à la chapelle. Des mères et des épouses de matelots absens suivaient le cortège avec un air de tristesse et de dévotion. On s’agenouilla devant l’image de la bonne Vierge, on y chanta l’Ave maris dtella, et puis l’équipage s’en vint déjeûner à l’abbaye, après avoir raconté le danger qu’il avait couru sur des côtes lointaines, et le vœu qu’il avait fait à Notre-Dame de Bon-Secours.

Tous les Ducs de Normandie, et nous nos Rois, leurs suzerains, n’avaient jamais manqué, depuis Philippe-Auguste, à visiter la sainte montagne in periculo maris ; et Louis XV est le premier Roi de France à qui l’on n’ait pas fait accomplir ce pélerinage. La prophétie de l’Abbé Richard paraît annoncer les plus grands malheurs à la postérité du Roi, qui non rogaret et honoraret B. Archangelum Patronum Regni Franciœ, in tabernaculo suo, et ceci